Le point de départ de la création Antigone se trouve à Annaba, en Algérie.
Après la guerre, mon père et ses frères décident de quitter leur pays natal pour une terre qu’ils pensent plus paisible, la France. Mes tantes, désireuses de se battre, restent en Algérie. Mon père terminera sa vie dans la chambre d’un centre d’hébergement d’urgence parisien, à Emmaüs, là où je passerai une partie de mon enfance.
Antigone. Je suis bouleversé par Ismène. Tandis qu’Antigone lutte jusqu’à la mort pour ses idées, Ismène se range du côté de la vie. Ismène me rappelle mon père. À la fin de la pièce, nous ne savons plus rien d’elle, seule survivante de la famille des Labdacides. J’ose imaginer qu’elle s’exilera, qu’elle fuira pour échapper à la tyrannie, à l’horreur des guerres recommencées et aux tristesses répétées des frères qui s’entretuent. Ismène incarnera peut-être cette pulsion de vie qui pousse des femmes et des hommes à tout quitter quand ce tout n’est plus fait que de cadavres et de fantômes.
Quant à Antigone, elle est ces femmes que je n’ai pas connues, une tante restée au pays pour lutter, pour résister aux violences et aux misères de l’après-guerre. Elle est cette ardeur admirable, cette force libre qui s’enracine et qu’aucun homme, aucun diktat, ne pourra jamais faire ployer.
Lors de la création du spectacle, nous avons cherché à saisir l’humanité de cette pièce qui expose, à la lumière des sentiments, les raisons de vivre de chacun des personnages et à l’envers de celles-ci, les raisons de mourir. Nous avons chassé le manichéisme, il fallait atteindre les essences, donner vie à une langue commune, à sa poésie, au rituel du spectacle vivant, se livrer au concret du texte, succomber à la théâtralité. J’ai la chance de travailler avec les mêmes comédiennes et comédiens depuis plusieurs années. Pour Antigone, quatre nouveaux visages ont intégré la bande et ont permis la réalisation de nos désirs de théâtre. Quatre femmes rencontrées au Foyer Emmaüs de Saint-Maur-des-Fossés. Quatre forces venues d’ailleurs ayant connu l’exil. Des Ismène, des Antigone. Elles forment ici le Chœur du spectacle.
Vive le théâtre !
RÉSUMÉ
À l’aube, dans le bassin méditerranéen, Antigone et Ismène prient pour leurs frères, Étéocle et Polynice, morts la veille en s’affrontant sur le champ de bataille.
Leur oncle, le nouveau roi Créon, ordonne qu’on célèbre en l’honneur d’Étéocle les rituels sacrés et qu’on lui élève un tombeau. Polynice, lui, paria devenu ennemi, sera laissé sans sépulture et livré à la voracité des oiseaux et des chiens.
Mais Antigone n’abandonnera ni son frère, ni ses devoirs religieux : elle s’opposera au pouvoir en place et aux lois des hommes.
DURÉE
2h00
La compagnie La Tendre Lenteur, créée en 2022, est née de la volonté de pratiquer un théâtre élitaire pour toutes et tous. Elle doit son nom à Peter Handke, qui cite Friedrich Nietzsche, lors de la première page de Par les villages : “Une tendre lenteur est le tempo de ce discours”.
Ayant passé mon enfance dans les foyers Emmaüs parisiens et les quartiers populaires de la banlieue parisienne, j’ai la nécessité de revenir dans ces quartiers avec les outils et les connaissances acquises lors de ma formations à l’École Supèrieure d’Art Dramatique de Paris, et ainsi, les transmettre aux jeunes. Imaginer un autre avenir que celui auquel on nous prédestine. Renoncer à notre héritage social, celui même qui me prédestinait à d’autres aventures de vie, loin des plateaux de théâtre.
Ma recherche s’oriente autour de la question des origines, de l’identité, de la construction sociale et de notre capital culturel. Mon désir est d’interroger notre histoire commune. Je souhaite travailler sur des textes exigeants afin de les rendre désirables de toutes et tous. Il me tient à cœur d’être présent sur les territoires éloignés d’offres culturelles, là où les questions de la représentation, de l’émancipation et de la place de la femmes sont une priorité.
Chaque création partira d’un territoire, d’une population et d’une rencontre afin d’alimenter le projet par les échanges avec les habitantes et habitants. Travailler avec les amateurs, les considérer comme des artistes le temps d’une création. S’éloigner des clichés et des cases, en sortir pour trouver le regard juste, la parole vraie.
La tendre lenteur est composée d’artistes venant d’horizons complètement différents, pour la plupart, rencontrés lors des stages en école nationale. Aussi divers soient nos chemins de vie, nous avons la conviction que nos plateaux de théâtre restent ces lieux du possible, peu importent nos points de départ.
Nous n’avons pas la prétention d’être en quête de la solution miracle et encore moins d’être précurseur, nous avons conscience de tous les efforts effectués par les générations précédentes, nous en sommes très admiratifs. Nous avons simplement le désir de raconter le monde d’aujourd’hui, avec la plus grande exigence, accompagnés de toutes les femmes et de tous les hommes qui le constituent.